Changement climatique Et si l’avenir de l’élevage allaitant passait par la sobriété énergétique ?
Entre diminution de la disponibilité en énergie fossile, et injonction à réduire les émissions de carbone, Olivier Dupire et Christophe Grosbois, conseillers pour les Chambres d’agriculture, proposent de miser sur la sobriété pour construire l’élevage allaitant de demain. Au menu : pâturage et réduction des achats extérieurs pour s’émanciper autant que possible de la question de l’énergie.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Sur fond de planification écologique, Olivier Dupire et Christophe Grosbois, conseillers pour les Chambres d’agriculture France et Pays de la Loire, se sont demandé à quoi pourrait bien ressembler l’élevage allaitant français à horizon 2030 à l’occasion des portes ouvertes de la Ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou. Pour eux, il est urgent d’intégrer la notion de sobriété.
Tout d’abord parce que nous y serons contraints. « Les simulations portées par The Shift Project (le think tank climat énergie présidé par Jean-Marc Jancovici), tablent sur une disponibilité en énergie fossile divisée par un nombre compris entre 2 et 50 à horizon 2050 », lance Christophe. Et pour cause, les contraintes géologiques vont conduire les 16 principaux pays fournisseurs en pétrole de l’UE à diviser leur production par deux. En bref, le coût des prestations d’ensilage n’est pas près de baisser !
Le plan de planification écologique du gouvernement va dans ce sens, avec une invitation à diminuer les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique. Pour rappel, l’agriculture est sommée de réduire ses émissions annuelles de l’ordre de 13 millions de tonnes équivalent CO2 à horizon 2030. Si l’élevage est souvent pointé du doigt, les conseillers tiennent à montrer qu’en changeant ses pratiques, il est possible de limiter les émissions sans sacrifier les troupeaux. « Il y aura toujours des émissions de méthane, car la vache est un ruminant, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de leviers ».
Preuve à l’appui avec la Ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou. Autonome pour l’alimentation des bovins, avec un système pâturant bio, l’exploitation compense 42 % de ses émissions de GES, contre 20 % en moyenne pour les exploitations bovin viande des Pays-de-la-Loire. « Ça s’explique par la place du pâturage, l’absence de consommation d’engrais chimiques, l’absence d’achat d’aliment. Le seul poste externe qui contribue à l’émission de GES, c’est le carburant ».
Toujours plus de mécanisation dans les fermes
Mais force est de constater que l’heure n’est pas à la sobriété. Assez paradoxalement, le changement climatique conduit même les éleveurs à davantage de mécanisation. La tendance est à l’augmentation des surfaces récoltées pour réaliser les stocks nécessaires à l’affouragement hivernal, mais également estival qui devient légion. Et certaines exploitations, autonomes en fourrage il y a dix ans, ne le sont plus aujourd’hui. « Six exploitations sur dix ont acheté du fourrage en 2020 », insiste Olivier.
Récolte de dérobées, agrandissement du parcellaire… Les éleveurs activent tous les leviers pour sécuriser leur approvisionnement en fourrage. « En 2014, un élevage sur quatre récoltait des dérobées. En 2021, on est plutôt à un élevage sur trois ». Autre grande tendance : le développement de l’enrubannage. « Les éleveurs recherchent la qualité, mais aussi des débits de chantier importants sur les fenêtres temporelles, et de la souplesse d’utilisation. On observe donc une hausse des récoltes en enrubanné de 65 % en 7 ans, mais cela à un coût », explique Olivier.
La mécanisation croissante pèse sur les coûts de production. D’après les données des Réseaux d’élevage Inosys, produire 100 kg de viande vive revenait à 216 € en 2021, et la moitié du coût de production était allouée aux charges de mécanisation. Avec une hausse des coûts des travaux réalisés par tiers de l’ordre de 20 % entre 2014 et 2021, une hausse du coût d’entretien de 18 % et du carburant de 5 %, stocker du fourrage coûte de plus en plus cher. À cela s’ajoute la hausse du coût de l’aliment, avec davantage de fourrage acheté, et une orientation à la hausse des coûts de concentré.
Dans le même temps, les élevages pâturant, voire bio, apparaissent beaucoup plus sobres sur le plan environnemental. Compter dans les 100 l de fioul/ha de SAU pour un système naisseur engraisseur de JB dans le Grand Ouest, contre 65 l pour un naisseur-engraisseur de bœufs pâturant en agriculture biologique, sans évoquer les émissions liées à l’utilisation d’azote minéral sur les prairies (données Inosys Réseau d’élevage).
Ainsi, produire 1 kg de viande sous un système bio génère 2 kg de moins de CO2, que la production d’1 kg de viande conventionnelle, du fait de la moindre consommation de ressources extérieures. En termes de stockage de carbone à l’échelle de l’exploitation, les systèmes bio compensent un tiers de leurs émissions, contre un cinquième pour le conventionnel.
Du côté des performances économiques, les éleveurs bio ne sont pas en reste. « À travers un échantillon de 666 exploitations, on voit que l’EBE moyen des élevages de bovins viande bio est passé de 31 000 € en 2018 à 42 000 € en 2022, avec des résultats courant en hausse constante ». Pour les experts, le système naisseur-engraisseur de bœufs, avec une part importante de pâturage a de beaux jours devant lui.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :